Pour vivre heureux, vivons couchés
Jean Giono, Paris Hilton, Philippe Noiret et Steevy Boulay ont un point commun. Saurez-vous trouver lequel ?
Bonjour et bienvenue dans la version paresseuse de GYMNASTIQUE, où le seul effort qui vous sera demandé est de vous abonner si ce n’est pas déjà fait.
Alors que je passais au peigne fin mon dossier de captures d’écran dans l’espoir de trouver l’inspiration, je me suis rendue compte que j’avais, au fil des années, accumulé suffisamment de mèmes liés à la paresse pour en faire un fanzine. Ou une newsletter.
Jeune adulte, j’adorais passer mes week-ends au lit. J’habitais seule dans un 17 mètres carrés, me nourrissais quasi-exclusivement de houmous et de crackers (une version toute personnelle du régime méditerranéen), et vivais très bien avec l’idée de ne croiser personne pendant 48 heures. J’aurais donc pratiqué le « bed rotting » avant l’heure, cette tendance inquiétante/potentiellement malsaine/non sans effets secondaires délicieuse consistant à traîner au lit le plus longtemps possible de façon assumée.
Imaginez alors ma joie d’apprendre, lors d’une conférence donnée par le bureau de prévision de tendances WGSN début janvier, que la « paresse thérapeutique » allait être à la mode. « Antidote à l’anxiété et au burn-out croissants, la paresse thérapeutique offre un sanctuaire sans culpabilité, alliant repos salvateur et beauté, dont le lit est l’élément central, explique-t-on ainsi au sein du cabinet de conseil. Dans un monde où la pression est constante, cette tendance facile à adopter, invitant les consommateurs à se chouchouter et à se ressourcer, dispose d’un attrait universel. »
Si je ne suis pas forcément emballée par l’intégralité du concept (optimiser le temps passé au lit en y faisant sa routine beauté annule, pour moi, tous les effets positifs de paresser dans ses draps), j’aime l’idée que ne rien faire soit « élevé au rang de rituel raffiné. »
Philippe Noiret en hédoniste heureux, une célibattante à l’honneur de l’émission « Strip-Tease » et une pauvre petite fille riche : comment faire du lit le plus bel endroit de son chez-soi, selon trois de mes héros.
La méthode Alexandre le bienheureux
Le pitch : « Dans sa ferme beauceronne, Alexandre travaille sans relâche. Surveillé de près par “la grande”, son épouse qui l'accable de mille corvées, le cultivateur n'aime rien tant que de regarder pousser l'herbe, pêcher ou jouer au billard avec ses copains. Lorsque sa femme meurt dans un accident de voiture, Alexandre, enfin libre, décide de mener l'existence dont il rêve depuis toujours et de ne plus rien faire. »
Je pense souvent à ce film d’Yves Robert, que j’ai vu pour la première fois pendant le confinement. C’est d’ailleurs peut-être parce que j’ai passé ce dernier vissée à mon ordinateur pendant que le monde entier apprenait à faire du pain que j’ai autant adhéré à sa philosophie du rien.
Celle qui avait tout compris à la vie
Le pitch : « Elle a su rester jeune, c’est incontestable, mais quel est son secret ? Il suffit d’user avec intelligence du principal meuble de la maison : le plumard. En gardant bien toutes les télécommandes à portée de main... »
J’aime tout dans cette vidéo. La façon dont l’héroïne enfile son peignoir avant même d’enlever ses escarpins. Son soupir de contentement dès qu’elle se glisse dans son lit. Les télécommandes soigneusement alignées sur sa couette. La chevalière qui ne quitte pas son petit doigt. Cette femme est mon animal-totem.
Tout quitter comme l’héroïne d’Ottessa Moshfegh
Le pitch : « Jeune, belle, riche, fraîchement diplômée de l’université de Columbia, la narratrice de ce roman décide de tout plaquer pour entamer une longue hibernation en s’assommant de somnifères. »
Mon année de repos et de détente m’a tellement remuée que je me refuse à le relire de peur de briser le charme de la première fois. Je sais que je ne suis pas objective – il est d’ailleurs probable que je rentre dans la catégorie des « sad girl fans » d’Ottessa Moshfegh – mais que voulez-vous, l’idée de dormir pendant un an a tout de même quelque chose de séduisant. Aux dernières nouvelles, le roman devrait être adapté au cinéma (!), par Yorgos Lanthimos (!!). Autant vous dire que je croise très fort les doigts.
Bonus : In bed with Tracey Emin
En 1998, traversant une période de dépression suite à une rupture difficile, l’artiste anglaise Tracey Emin passe quatre jours dans son lit, dans un état de semi-conscience. De havre de paix, sa couche devient une espèce de radeau à la dérive, se remplissant peu à peu de mouchoirs froissés, de vêtements tachés, de cigarettes et autres bouteilles de vodka vides. Elle en tirera l’installation « My Bed », sorte de plongée aussi voyeuriste que vulnérable dans son intimité. Mais c’est elle qui en parle le mieux.
Des trucs à lire et à écouter sans quitter votre lit.
Au rayon confort et assises, laissez-moi vous présenter le compte Instagram Museum Seats, qui recense et note les meilleurs sièges et fauteuils de musée dans le monde. Inutile, niche et esthétique = 100% ma came.
Le saviez-vous ? Jusqu’à la révolution industrielle, il était coutumier de dormir en deux fois. C’est ce qu’on appelle le « sommeil biphasique », et cela devrait rassurer celles et ceux qui se réveillent toujours dans la nuit. Apparemment, nos ancêtres profitaient de cette phase d’éveil pour effectuer des tâches diverses et variées, ou tout simplement rester au lit.
Si vous culpabilisez de passer trop de temps dans votre chambre, cette quote de l’actrice Jennifer Coolidge dans The Sunday Times est pour vous.
“When I’m finished with a job I’m really into resting. I go to bed for a long time and barely move. I’m so exhausted. I completely stop. I don’t even move in my bed at all. So I crash, but I like to do anything with my dogs and friends. I’m not into overextending. I become a mummy.”
Dans son essai Les vraies richesses (Grasset, 1936), l’écrivain Jean Giono fait une critique de la notion de travail autant qu’un éloge de la paresse. C’est cette « fainéantise heureuse » que l’auteure Claire Daudin s’emploie à décortiquer dans une conférence absolument géniale donnée à l’Institut français de la mode. À écouter souvent, surtout quand on ressent le besoin de plaquer son job pour une vie de pâtre.
Le retour des beaux jours rime pour vous avec grosse fatigue plutôt qu’avec oiseaux qui chantent ? Il se pourrait que vous soyez victime de « Frühjahrsmüdigkeit », ou « fatigue du printemps ». Un terme inventé par nos voisins allemands, qui tiendrait moins du concept abscon que d’une réalité biologique.
J’adore !